22/01/2007

L'île de Robert Merle

Un roman inspiré des révoltés du Bounty. Fin XVIIIieme un équipage anglais se mutine à bord du navire le Blossom. Afin d’éviter la pendaison, les hommes décident de partir commencer une vie nouvelle dans une île méconnue du Pacifique. Mais pour se faire ils vont demander de l’aide aux tahitiens : vivres pour le voyage, et des hommes pour remplacer les marins qui ont quitté le navire. Purcell, lieutenant, connaît bien les tahitiens, et est considéré auprès d’un des chefs comme un fils, et c’est avec plaisir que ce dernier lui donnera tout ce qu’il désire, y compris sa fille Ivoha, ainsi que d’autres femmes : les tahitiens acceptent de rejoindre les anglais à la condition qu’ils puissent embarquer des femmes.
Tout semble parfait dans ce scenario. L’île semble riche même si sa surface est un peu petite pour certains, tout le monde a envie de commencer sa nouvelle vie, sauf qu’une fois sur terre, même s’il est décidé d’abandonner les titres de commandement du bateau, il n’en est pas de même pour les préjugé racistes que certains des marins anglais nourrissent envers les tahitiens. Les cultures vont se heurter violemment et des guerres intestines vont naître.
Loin d’être mon roman préféré de Merle il en reste néanmoins très divertissant, et nous peint une fois de plus les thèmes chers à l’auteur : société nouvelle, problématique du partage des femmes, de la nourriture, de l’autorité etc…

Deux petits extraits :
« Les femmes durent attendre encore une longue semaine avant que toutes les cabanesde l’île eussent reçu leur toits. En sa qualité de charpentier, Mac Leod avait décidé de ne laisser à aucun autre le soin de fixer les cadres de palmes sur des chevrons, et ik s’aquitta de cette tâche avec une lenteur méticuleuse. Ces soins n’étaient d’ailleurs pas inutils, le noroît soufflant parfois avec violence sur le village, en dépis du rideau d’arbres qui le protègeait de la mer.
Ce fut le 3 décembre, après avoir travaillé toute la journée sous un soleil de plomb que Mac Leod considéra que les cabanes étaient terminées. A midi, les Britaniques se rencontrèrent au centre du village et, après un bref conciliabule, décidèrent que l’assemblée se réunirait le soir même à neuf heures pour procéder au partage des femmes. Purcell traduisit aussitôt cette nouvelle, et elle provoqua sous la tente où les tahitiennes étaient logées une effervescence subite. Pour chacune d’elles, cette soirée serait l’aboutissement (heureux ou malheureux) de trois mois d’attente, de projets et d’intrigues. »
« Mac Leod reprit avec force :
-On va donc s’partager les Indiennes. Et voilà c’que j’vous propose. Une supposition qu’y ait un fils de garce qui soye pas d’accord et veut la même Indienne qu’le voisin d’à côté, on décidera par un vote entre les deux. Et ce qu’on aura voté, on l’fera ! C’est ça, la loi !…Et y aura p’têtre un matelot qui sera pas bien content qu’le vent a pas soufflé dans ses voiles. Dans c’cas, j’dis : fils, la loi, c’est la loi. On est entre Blancs ici, et c’est l’assemblée qui fait la loi. Si Mason préfère rester en cale sèche au lieu d’tirer un bord jusqu’ici, c’est son affaire. Mais la loi c’est la loi, même pour Mason, tout officier qu’il est ! n veut pas d’bagarre ici. S’y a un matelot qui tire son couteau contre un damné fils de garce de bon chrétien, qu’il s’rappelle la loi qu’on a votée sur la falaise après l’procès qu’on a fait à Mason…Y a une corde ici, c’est tout ce qu’je dis. La v’là, fils. Elle est ptêtre bien un peu usée dans ses torons, mais c’est quand même une bonne corde de chanvre, et y a pas un gars dans l’île qui soyez si lourd qu’elle pourrait pas l’porter… »

21/01/2007

Lorsque j'étais une oeuvre d'art, d'Eric-Emmanuel Schmitt

Tazio en a marre de vivre, marre de lui, marre de tout râter…il râte même ses suicides, mais alors qu’il est au bord de cette falaise il se dit que cette fois-ci c’est la bonne et que rien ne pourra l’empêcher de sauter. Tazio est insipide, il n’est ni beau ni laid, il n’est ni complètement sot ni intelligent, il est invisible aux yeux des autres, surtout confronté à ses frères jumeaux, les célèbres frères Firelli, mannequins adulés de tous et surtout de toutes. Même quand il se regarde dans le miroir son propre regard glisse sur la pièce derrière lui.
Mais ce jour-là, alors qu’il est prêt à mourir, s’installe derrière lui un bien curieux personnage : Zeus-Peter Lama, un célibrissime artiste. Ce dernier lui propose un délai de 24h pour le convaincre de renoncer à son suicide et reprendre goût à la vie. Il lui propose de devenir une œuvre d’art. Tazio renonce alors à son humanité au profit de la condition d’objet d’art admiré de tous…admiré de tous : ce dont il a toujours rêvé. Mais le rêve va vite se transformer en cauchemar.
L’histoire est fantastique et se dévore en très peu de temps ! Très bonne réfléxion sur l’art, le marché de l’art et ses limites, la beauté, la célébrité, le snobisme etc. Quand l’homme devient œuvre d’art… on ne peut pas ne pas penser à un personnage comme Orlan qui fait de son corps sa matière première pour construire ses œuvres…Je vous laisse découvrir ce petit roman.
Un petit extrait pour vous donner envie :

« L’étoffe s’envola au-dessus de moi dans un bruit d’ailes en tissu et j’apparus, seulement vêtu d’un short, à l’assistance.
Elle absorba le choc par un « Ah » étouffé, comme si elle avait dû bloquer sur son estomac un ballon lancé à toute force. Les sourcils s’arrondissaient. Les bouches ouvertes ne disaient rien. Le temps était suspendu.
Zeus-Peter Lama s’approcha de moi et me regarda avec fierté. Quand je dis « me regarda », je dois préciser qu’il s’agissait de mon corps car Zeus, depuis l’opération, ne croisait plus mes yeux, sans doute parce qu’ils subsitaient comme une rare partie de mon être qu’il n’avait pas retravaillée. Pourtant, ce soir-là, un bel échage de regards m’aurait encouragé, d’autant que le silence s’épaississait.
Zeus cria avec autorité :
-Debout !
Comme nous l’avions convenu, je quittai le tabouret pour me tenir sur mes jambes. Un murmure d’effroi parcourut les spectateurs. Persuadés, vu mon apparence pour le moins étrange, de se tenir face à une sculpture,ils avaient eu la surprise de voir du marbre s’animer.
Zeus-Peter Lama gonfla sa poitrine comme un dompteur et hurla avec la sécheresse d’un coup de fouet :
-Marche !
Avec lenteur et difficulté, j’esquissai quelques pas. « Marcher » n’était pas le bon mot, « se déplacer » aurait mieux convenu car depuis les interventions de mon Bienfaiteur, j’avais un peu de mal à …enfin passons ! Je fis deux fois le tour du podium, en vacillant dangereusement sur moi-même après chaque mouvement. Je n’osais pas contempler autre chose que mes pieds-là -encore le mot ne convient plus, je devrais sans doute dire mes « contacts avec le sol »-,la timidité me raidissait et m’empêchait de tourner la tête vers le public.
-Salue !
Ca, ce n’était pas prévu. J’étais déconcerté. Je ne réagis pas. Zeus-Peter Lama, le torse avantageux, répéta plus fort, comme si j’étais un fauve qui refusait d’obtempérer :
-Salue !
Pour qu’il cessât de s’époumoner, je baissai le haut de mon corps. Un applaudissement partit du premier rang, un applaudissement serré, très nourri, péremptoire, comme le crépitement d’une machine à écrire. Puis un autre l’accompagna. Puis un autre. Un autre. Très vite, l’assemblée entière battit des mains. »

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